La société sénégalaise NHV-West Africa (NHV-WA) menace de poursuivre Woodside en justice pour non-respect d’un contrat estimé à plusieurs milliards de FCFA. En toile de fond : des pressions supposées de l’ancien régime et un décret contesté sur le transport aérien pétrolier.

Un nouveau front judiciaire s’ouvre dans le secteur pétrolier sénégalais. Selon les informations du journal Libération, la société NHV-West Africa a adressé, le 19 juin dernier, une mise en demeure formelle à Woodside Energy, opérateur du champ pétrolier offshore Sangomar. Cette étape, préalable à une action judiciaire, pourrait coûter très cher à la compagnie australienne, accusée d’avoir bloqué un contrat déjà attribué.

Un contrat attribué mais jamais signé

Tout commence en 2020, lorsque Woodside lance un appel d’offres pour le transport aérien de son personnel et de son fret entre la terre ferme et la plateforme Sangomar. NHV-WA, entreprise à capitaux sénégalais, belges et américains, soumissionne avec une offre jugée techniquement et financièrement solide. Après évaluation, Woodside retient sa candidature et transmet, le 13 octobre 2020, un contrat conforme aux termes convenus.

Sur la base de cet accord, NHV-WA engage d’importants investissements : embauche de personnel qualifié, acquisition de terrains, construction d’un hangar moderne à l’AIBD (2 milliards FCFA), location d’infrastructures, maintenance d’hélicoptères et démarches pour l’obtention des agréments. Montant total des engagements : 5 milliards de FCFA.

Mais à la surprise générale, Woodside ne signe jamais le contrat, sans motiver sa décision. Pourtant, aucun recours n’avait été formulé à l’encontre de NHV-WA après l’adjudication du marché.

Des pressions politiques et un décret controversé

Interrogée, Woodside évoque des pressions exercées par des autorités de l’ancien régime pour justifier son inaction – une version démentie par NHV-WA. Lors d’une réunion tenue au ministère du Pétrole le 22 décembre 2020, la ministre en poste aurait même assuré qu’aucune interférence politique ne freinerait la signature du contrat.

Dans les faits, l’État a ensuite pris un décret controversé (n° 2020‑2335 du 9 décembre 2020), imposant de nouvelles conditions pour les sociétés opérant dans le transport aérien des zones pétrolières. NHV-WA estime que ce texte visait à l’écarter au profit d’un concurrent direct : Heliconia. En effet, la Caisse des dépôts et consignations est entrée au capital d’Heliconia, mettant ainsi l’État dans une position de conflit d’intérêts, selon la société sénégalaise.

Une procédure en perspective contre Woodside

Par courriers en décembre 2020 et janvier 2021, NHV-WA a exhorté Woodside à respecter ses engagements contractuels, sans obtenir de réponse. L’entreprise dénonce désormais un contrat attribué de gré à gré à Heliconia, pourtant éliminée lors de l’appel d’offres initial.

Selon les avocats de NHV-WA, Woodside a cherché à « substituer une société concurrente défaillante » à leur client, au mépris du droit et des investissements déjà consentis. Forte de sa mise en demeure du 19 juin 2025, NHV-WA menace aujourd’hui de saisir la justice pour obtenir soit la signature du contrat initial, soit une réparation intégrale de ses préjudices, qu’elle évalue à plusieurs milliards de francs CFA.

Cette affaire explosive pourrait avoir des répercussions majeures sur l’exploitation pétrolière offshore au Sénégal. Elle relance aussi le débat sur la transparence, le contenu local et l’influence persistante des réseaux de l’ancien pouvoir sur les grands contrats stratégiques.

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