Le 9 juillet 2024, les militants guinéens Foniké Menguè et Mamadou Billo Bah étaient enlevés par des hommes en uniforme. Un an plus tard, leurs proches réclament toujours vérité et justice, face au silence des autorités.
Un enlèvement brutal et toujours inexpliqué
Il y a un an jour pour jour, des hommes armés ont enlevé Oumar Sylla – alias Foniké Menguè – et Mamadou Billo Bah, deux figures du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), au domicile du premier à Conakry.C’était le 9 juillet 2024, en pleine préparation d’une manifestation contre la junte dirigée par le général Mamadi Doumbouya.
Selon les témoignages de voisins, des gendarmes et des membres des forces spéciales ont arrêté les deux militants sans mandat, puis les ont traînés de force sous les yeux de leurs familles. Depuis, plus aucune nouvelle.
Un troisième militant du FNDC, brièvement détenu puis contraint à l’exil, a révélé que les forces de sécurité les avaient conduits jusqu’au palais présidentiel, avant de les transférer sur l’archipel des îles de Loos, où réside régulièrement le général Doumbouya. Selon plusieurs sources, les autorités utiliseraient à nouveau ces îles – notamment l’ancien bagne colonial de Fotoba – pour y pratiquer des détentions illégales. Le FNDC et l’ONU y situent le dernier lieu connu de détention de Foniké Menguè et Billo Bah.
Une spirale inquiétante de disparitions
Depuis cet enlèvement, les disparitions forcées se sont multipliées en Guinée. Des hommes armés ont enlevé l’ancien secrétaire général des Mines, Saadou Nimaga, le journaliste Habib Marouane Camara, l’activiste Abdoul Sacko et, plus récemment, l’avocat Mohamed Traoré, en utilisant des modes opératoires similaires. Ceux qui ont survécu ont raconté avoir subi de longues heures de torture.
Ces pratiques alarmantes ont poussé la rapporteuse spéciale de l’ONU pour les défenseurs des droits humains, Mary Lawlor, à adresser en avril une lettre officielle au gouvernement guinéen. Elle y exprimait sa « vive préoccupation » face à ce qu’elle qualifie de tendance récurrente. Une lettre restée sans réponse.
Un silence d’État qui alimente la colère
Face à la pression croissante, les autorités guinéennes se murent dans un silence pesant. Si une enquête a été annoncée par le procureur général une semaine après les faits, aucune communication n’a depuis été faite sur son évolution. Le ministre de la Justice, Yaya Kaïraba Kaba, et le porte-parole de la présidence, le général Amara Camara, nient toute implication et minimisent les faits.
Le 2 juillet 2025, Ousmane Gaoual Diallo, porte-parole du gouvernement, a rejeté toute responsabilité de l’exécutif, estimant que les accusations visaient à « discréditer les institutions ». Il reconnaît néanmoins l’existence d’enlèvements, mais réfute les témoignages pointant les forces de sécurité.
« Nous ne céderons pas face à la terreur »
Pour les familles et les avocats des disparus, ces déclarations traduisent surtout une absence totale de volonté politique. Aucune audition n’a été menée, ni auprès des familles ni des témoins. Un constat que dénonce avec force Ibrahima Diallo, cadre du FNDC désormais en exil :
« En Guinée, s’opposer aux militaires, c’est risquer l’arbitraire, la prison, la disparition ou la mort. Mais notre engagement reste intact. »
Un an après, le mystère demeure entier. Et la peur continue de régner dans les rangs de la société civile guinéenne.