Pékin a officiellement donné le coup d’envoi à la construction du plus grand barrage hydroélectrique jamais imaginé. Érigé dans la région reculée du Tibet, sur le fleuve Yarlung Tsangpo (appelé Brahmapoutre en Inde), l’ouvrage de Motuo devrait atteindre une puissance inédite de 60 gigawatts soit trois fois celle du barrage des Trois-Gorges, jusqu’ici le plus puissant au monde.
L’annonce, relayée le samedi 19 juillet par les médias d’État chinois, a immédiatement déclenché des réactions inquiètes, aussi bien dans les capitales voisines qu’au sein des organisations environnementales.
Un géant énergétique à 165 milliards de dollars
Selon l’agence officielle Xinhua, la Chine prévoit d’investir plus de 165 milliards de dollars dans ce mégaprojet. Sa production équivaudra à celle de 35 réacteurs nucléaires de dernière génération. Pékin justifie cet investissement colossal par des objectifs climatiques : il s’agit, selon le ministère chinois des Affaires étrangères, « d’accélérer la transition énergétique et de réduire la dépendance au charbon », qui représente encore 60 % de la production électrique du pays.
L’énergie générée servira à alimenter à la fois le Tibet et d’autres régions chinoises en forte demande énergétique.
L’Inde et le Bangladesh tirent la sonnette d’alarme
En aval, le fleuve Yarlung Tsangpo devient le Brahmapoutre, qui traverse l’Inde puis le Bangladesh. Pour ces deux pays, dont des millions d’habitants dépendent du fleuve pour l’irrigation, la pêche ou l’eau potable, le projet chinois est une source majeure d’inquiétude.
New Delhi a réagi rapidement. Le gouvernement indien a officiellement exprimé ses préoccupations à Pékin, promettant de « suivre de très près » le chantier et de « prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger ses intérêts stratégiques ». Ce différend s’ajoute à un climat déjà tendu entre les deux puissances, engagées dans un bras de fer territorial persistant dans l’Himalaya.
Une bombe écologique en gestation ?
Au-delà des rivalités géopolitiques, le projet de Motuo fait aussi bondir les défenseurs de l’environnement. De nombreuses ONG dénoncent une menace directe pour le plateau tibétain, considéré comme l’un des écosystèmes les plus fragiles du monde.
Par ailleurs, des voix s’élèvent contre le sort réservé aux populations locales. Le Tibet, déjà placé sous étroite surveillance par les autorités chinoises, pourrait voir ses habitants déplacés sans consultation. Les militants des droits humains redoutent que toute contestation soit étouffée, comme c’est souvent le cas dans la région.
Un chantier stratégique qui redessine la carte de l’Asie
Le barrage de Motuo concentre toutes les tensions : ambitions climatiques, enjeux de puissance, risques environnementaux et répercussions humaines. Ce projet monumental pourrait bien bouleverser l’équilibre hydrique et géopolitique de toute l’Asie du Sud.