Dans une tribune publiée dans Le Quotidien, média qu’il a fondé, un journaliste visé par un mandat d’arrêt international livre sa version des faits sur les circonstances de son départ du Sénégal vers la France. Il dénonce des manœuvres politiques, l’instrumentalisation de la police, et affirme craindre pour sa sécurité.
Le ton est grave, le propos tranchant. Dans une longue tribune publiée dans Le Quotidien, le journaliste sénégalais actuellement sous le coup d’un mandat d’arrêt international revient sur les détails de son départ du pays dans la nuit du 23 au 24 septembre 2025. Il conteste fermement la version officielle avancée par les autorités, et dénonce une persécution politique doublée d’un complot judiciaire.
Selon ses propres termes, il avait prévu de se rendre en France pour un rendez-vous professionnel. Après avoir franchi sans encombre les contrôles à l’aéroport international Blaise Diagne, il dit avoir été interpellé de manière inopinée par un agent de police. Son passeport et son téléphone sont confisqués, puis il est conduit dans des bureaux de l’aéroport, où on lui demande de patienter : « Votre vol doit partir dans une heure. On attend juste quelques instructions avant de vous laisser partir. Il n’y a pas de problème », lui aurait-on dit.
Mais l’attente se prolonge, et son avion décolle sans lui. Il comprend alors qu’il s’agit d’un stratagème pour l’empêcher de quitter le territoire, sans qu’aucune interdiction formelle ne lui ait été notifiée. Il est ensuite convoqué à la Division des investigations criminelles (DIC) pour le lendemain, 24 septembre à midi.
Craignant pour sa sécurité, et alerté par des contacts lui signalant un risque de garde à vue et même d’empoisonnement, le journaliste affirme avoir quitté le pays dans la nuit, par un moyen non précisé, avant d’arriver en France le 25 septembre. Il déclare que pendant ce temps, la police sénégalaise aurait tenté de mettre la pression sur ses proches : « Histoire sans doute de me forcer à revenir au Sénégal, la police n’a trouvé rien de mieux que de kidnapper femme et enfants », écrit-il.
Peu après son arrivée en France, un mandat d’arrêt international est émis contre lui, officiellement pour une affaire encore floue sur laquelle, dit-il, il n’a jamais été interrogé. Il dénonce une opération politique orchestrée contre lui : « Je voulais éviter d’être pris de court, car j’avais aussi besoin de bien préparer ma défense contre un complot bien ourdi ».
Le journaliste pointe également du doigt le ministre de l’Intérieur, Mouhamadou Bamba Cissé, qu’il accuse de diffuser de fausses informations. Selon le communiqué officiel, il aurait été recherché par la police avant même son départ avorté. Ce que l’intéressé réfute catégoriquement : « Si tel était le cas, j’aurais été arrêté à mon domicile bien avant mon passage à l’aéroport », réplique-t-il.
Il s’interroge par ailleurs sur le limogeage du Commissaire de l’aéroport ainsi que de celui de la DIC, estimant que ces sanctions seraient motivées non par des fautes, mais par un jeu de responsabilité politique dans une opération qui a échoué : « Les autorités de l’État voulaient-elles qu’il m’arrêtât illégalement, avant même une quelconque audition ? »
Cette sortie médiatique fracassante vient ajouter une couche de tension à une affaire qui mêle justice, politique et médias. Les autorités n’ont pas encore réagi à cette publication, mais l’opinion publique s’interroge déjà sur la légalité des procédures suivies, la nature des charges retenues contre le journaliste, et surtout, les méthodes employées pour tenter de l’empêcher de quitter le pays.
Derrière cette affaire, se dessine aussi une lutte d’influence entre un pouvoir exécutif de plus en plus accusé de dérive autoritaire, et une presse qui refuse de baisser la garde.
L’issue judiciaire de ce dossier, désormais internationalisé, pourrait peser lourd sur l’image du Sénégal à l’étranger, dans un contexte politique déjà marqué par de fortes tensions depuis l’arrivée d’Ousmane Sonko à la primature.