La trêve actuellement observée dans la bande de Gaza franchit une étape décisive. Environ 200 000 Palestiniens déplacés ont regagné le nord du territoire selon rfi, marquant une nouvelle étape du processus de trêve. Israël et le Hamas s’apprêtent à appliquer un accord d’échange prévoyant la libération de 2 000 prisonniers palestiniens contre celle des 20 derniers otages israéliens encore en vie. Les autorités ont publié ce vendredi 10 octobre la liste des 250 prisonniers palestiniens détenus pour des raisons de sécurité.
Un accord controversé en Israël
À Tel-Aviv, l’annonce de cet échange ne fait pas l’unanimité. Si le Premier ministre Benyamin Netanyahu espère célébrer « un jour de joie nationale » avec le retour des otages, de nombreux Israéliens l’accusent d’avoir tardé à négocier avec le Hamas.
« Il a commis toutes les erreurs possibles », déplore Dina, une retraitée interrogée par notre envoyée spéciale. Pour beaucoup, cet échange rappelle celui du soldat Gilad Shalit, libéré en 2011 contre plus de 1 000 prisonniers palestiniens.
Des prisonniers aux profils sensibles
La liste des personnes libérables comprend plusieurs figures emblématiques :
- Iyad Abu al-Rub, un commandant du Jihad islamique impliqué dans des attentats-suicides entre 2003 et 2005 ;
- Un membre du Fatah responsable d’une attaque meurtrière en 2009 ;
- L’auteur d’une attaque au couteau en 2017.
D’après la presse israélienne, onze noms supplémentaires ont été ajoutés à la dernière minute, dont celui d’un homme condamné pour sa participation au lynchage de deux soldats israéliens à Ramallah en 2000, et celui de Mahmoud Khawam, haut cadre du Hamas, déjà libéré lors de l’échange Shalit puis arrêté de nouveau à Gaza en 2024.
Le nom de Marwan Barghouti, figure de la cause palestinienne et partisan de la solution à deux États, ne figure toutefois pas sur la liste.
Une décision jugée « dangereuse » par certains responsables israéliens
Le choix du gouvernement de libérer des prisonniers considérés comme « à haut risque » suscite de vives critiques.
« Remplacer des détenus modérés par les terroristes les plus endurcis est une terrible erreur », a confié un haut responsable de la sécurité au quotidien Haaretz.
Pour Yael, habitante d’un kibboutz proche de Gaza, le dilemme est douloureux :
« C’est dur, car chacun d’entre eux a tué des Juifs. Mais si cela permet le retour des otages, alors peut-être pourrons-nous commencer à guérir. Le prix est lourd, mais il faut parfois savoir lâcher prise. »
Côté palestinien : joie, incertitudes et inquiétudes
La libération prochaine des prisonniers soulève de nombreuses questions : reviendront-ils en Cisjordanie pour être accueillis en héros ou seront-ils envoyés à l’étranger pour leur sécurité ?
Pour Bassam, ancien détenu palestinien, c’est un moment d’émotion :
« Ces prisonniers sont la véritable richesse de notre peuple. Nous les connaissons tous, ce sont des combattants. »
Mais une lycéenne de Ramallah exprime une autre frustration :
« Ce serait injuste qu’on les exile alors qu’en Israël, les otages retrouvent leurs familles. Certains ont passé plus de vingt ans dans les prisons de l’occupation. »
D’autres, comme un commerçant interrogé sur place, estiment au contraire que l’exil est une protection nécessaire :
« S’ils reviennent en Cisjordanie, ils seront arrêtés à nouveau. Ailleurs, au moins, ils seront libres. »
Selon la commission palestinienne des prisonniers, plusieurs détenus libérés lors d’échanges précédents ont effectivement été de nouveau arrêtés ces derniers mois — un rappel amer que, malgré la trêve, la paix reste encore fragile des deux côtés.