Entre désinformation, atteintes à la vie privée, discours haineux et banalisation de la vulgarité, les réseaux sociaux — particulièrement TikTok — connaissent au Sénégal une dérive préoccupante. Face à ce phénomène, de plus en plus de voix s’élèvent pour interpeller l’État sur son rôle de régulateur et sa responsabilité dans la préservation de la cohésion sociale et des valeurs républicaines.
Les réseaux sociaux façonnent aujourd’hui le débat public au Sénégal, mais leur usage incontrôlé suscite une inquiétude grandissante. TikTok, plateforme prisée par les jeunes, s’impose désormais comme un espace d’expression à double tranchant : lieu de créativité et de liberté, mais aussi terrain fertile pour la désinformation, la violence verbale et la dérive morale.
De simples vidéos de divertissement se transforment souvent en tribunes d’insultes, en outils de manipulation de l’opinion ou en vecteurs d’atteintes graves à la dignité humaine. Les « buzz » et les « lives » polémiques prennent le pas sur les contenus éducatifs, au détriment des valeurs sociales et culturelles sénégalaises. Des influenceurs en quête de notoriété rivalisent de provocation, tandis que de fausses informations circulent sans filtre, nourrissant les tensions politiques, religieuses ou ethniques.
Selon plusieurs observateurs, cette situation révèle un vide en matière d’encadrement et de régulation numérique. Les dispositifs existants — comme le Code pénal, la loi sur la cybercriminalité ou la Commission de protection des données personnelles (CDP)** — peinent à suivre le rythme effréné des mutations du numérique. L’État est donc interpellé pour adapter son cadre juridique et renforcer les mécanismes de contrôle et de sensibilisation.
Pour les experts en communication et gouvernance numérique, la réponse ne doit pas se limiter à la répression. Il s’agit aussi d’éduquer les citoyens, surtout les jeunes, à un usage responsable des réseaux sociaux. Les écoles, les médias et les institutions publiques doivent jouer un rôle actif dans la construction d’une culture numérique éthique.
Certaines initiatives, comme le GouvNum ou les programmes du Ministère de la Communication, des Télécommunications et du Numérique, visent à structurer cette gouvernance digitale. Mais leur impact reste encore timide face à l’ampleur du phénomène.
Les dérives observées sur TikTok et d’autres plateformes rappellent enfin que la liberté d’expression ne peut s’exercer sans responsabilité. Dans un pays où le numérique devient un pilier du développement, l’État doit trouver l’équilibre entre la protection des libertés et la préservation de l’ordre public.
À défaut d’une action concertée et ferme, le risque est réel : voir les réseaux sociaux se transformer en espaces de chaos symbolique, où s’effacent les repères moraux, les institutions et la confiance collective.