Dakar – Alors que les relations entre l’État sénégalais et le média Jeune Afrique sont au plus bas, la participation annoncée du président Bassirou Diomaye Faye à l’Africa CEO Forum – une initiative de ce même média – soulève des questions légitimes sur la cohérence gouvernementale.

Une invitation officielle… malgré la polémiqu

La Présidence du Sénégal a publié un communiqué laconique :

« Sur invitation de Son Excellence Monsieur Alassane Ouattara, Président de la République de Côte d’Ivoire, Son Excellence Monsieur Bassirou Diomaye Faye se rendra à Abidjan les 11 et 12 mai 2025 pour prendre part à l’Africa CEO Forum. »

L’événement, qui réunit plus de 2 000 décideurs, chefs d’État et investisseurs, est l’un des plus prestigieux du continent africain en matière d’économie et d’entrepreneuriat.

Mais une question persiste : comment justifier une présence présidentielle à un forum organisé par un média ouvertement critiqué par le gouvernement sénégalais ?

Une tension non résolue avec Jeune Afrique

Pour mémoire, Jeune Afrique est accusé par les nouvelles autorités sénégalaises de « campagne de diffamation » à travers plusieurs articles jugés tendancieux. Le ministère de la Communication a annoncé une mise en demeure, voire des sanctions progressives pouvant aller jusqu’à l’expulsion du représentant local du média.

« Les sanctions seront graduées… allant jusqu’à l’interdiction, en cas de récidive », précisait Habibou Dia, Directeur de la Communication.

Or, au même moment, le fondateur du Forum, Amir Ben Yahmed, était reçu sur TV5 Monde, et la modération des panels à Abidjan est assurée par Aurélie M’Bida, rédactrice en chef business de Jeune Afrique. Le président sénégalais sera donc côte à côte avec les responsables de ce média.

Un manque de coordination gouvernementale ?

Cette situation alimente l’impression d’un déficit de communication interne au sommet de l’État.
Plusieurs questions se posent :

  • Le ministère de la Communication a-t-il agi seul ?
  • Le Premier ministre et le président avaient-ils validé cette ligne de confrontation avec Jeune Afrique ?
  • Pourquoi maintenir la visite présidentielle dans un tel contexte ?

Le journaliste Mamadou Lamine Diatta s’interroge :
« Y a-t-il urgence à se rendre à Abidjan ? Le président est-il parti pour défendre la candidature d’Amadou Hott à la tête de la BAD ? »

Un choix stratégique malgré tout ?

Avec la présence des présidents de Côte d’Ivoire, Afrique du Sud, Ghana, Rwanda et Mauritanie, et la participation d’acteurs économiques de premier plan, il est évident que le forum représente un enjeu diplomatique et économique majeur.
Pour certains observateurs, le poids géopolitique et financier de l’événement a probablement pesé dans la balance, au-delà de toute considération médiatique.

En résumé : plus de questions que de réponses

Cette affaire révèle une cacophonie au sommet de l’État, entre volonté de souveraineté communicationnelle et nécessité d’ouverture économique.
Tant que la position officielle sur Jeune Afrique n’est pas clarifiée, ce flou stratégique risque de nuire à l’image de cohérence du nouveau pouvoir.

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