Au-delà du cas de Moustapha Diop, l’affaire des 2,5 milliards FCFA destinés à l’achat de masques met en lumière les défaillances structurelles de la gestion des ressources publiques au Sénégal. Opacité, absence de traçabilité et contrôles internes insuffisants soulèvent des questions fondamentales sur la gouvernance en période d’urgence.
Un système conçu pour contourner les règles ?
Les révélations faites par le ministre de la Justice devant les députés ne se résument pas à des fautes individuelles. Elles exposent un mode opératoire qui repose sur des circuits parallèles à la dépense publique normale. L’utilisation de paiements en espèces, pourtant interdite par décret, n’a pas empêché le déblocage des fonds, ni leur utilisation sans contrôle effectif a posteriori.
L’ombre des instructions politiques
La concentration des décisions entre les mains de Moustapha Diop — choix des fournisseurs, instructions de retraits d’espèces, validation des contrats — illustre une personnalisation de la gestion publique aux antipodes des principes de responsabilité collective. Cette pratique fragilise les administrations, réduit la transparence et nourrit les soupçons de favoritisme ou de détournement.
Une alerte pour les mécanismes d’urgence
Si l’on peut comprendre une certaine flexibilité dans les procédures en période de crise, cette affaire souligne les dangers d’un relâchement des normes. L’absence de système de contrôle indépendant et de suivi rigoureux des livraisons a permis qu’un écart de plus de deux millions de masques passe inaperçu jusqu’à l’audit.
Le défi de la reddition des comptes
Ce scandale relance le débat sur l’efficacité des institutions de contrôle : Cour des comptes, inspection générale d’État, ARMP… Malgré leurs alertes, les sanctions tardent souvent, et les poursuites restent rares. La publication systématique des dépenses exceptionnelles et la mise en place d’un registre en ligne consultable par tous pourraient être des pistes à explorer.
Un test pour le nouveau pouvoir
Le traitement judiciaire réservé à cette affaire sera scruté de près. Le gouvernement de la « troisième alternance » est attendu sur sa capacité à faire respecter l’État de droit et à poser les bases d’une gouvernance plus rigoureuse. Une justice exemplaire pourrait réconcilier les citoyens avec leurs institutions — à condition qu’elle n’épargne personne.
