La Conférence des chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO, réunie à Abuja le 22 juin 2025, a désigné un nouveau président en exercice de l’organisation sous-régionale. Malgré les attentes, le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye n’a pas été choisi pour ce poste stratégique. Une décision qui interroge et révèle les subtilités de la diplomatie ouest-africaine.
La 67ᵉ session ordinaire de la CEDEAO, tenue le 22 juin 2025 à Abuja, a marqué un tournant important dans la gouvernance de l’organisation sous-régionale. À l’issue des travaux, un nouveau président en exercice a été désigné, succédant au Nigérian Bola Ahmed Tinubu. Le président du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye, dont l’arrivée au pouvoir avait suscité un certain espoir de renouveau au sein de la CEDEAO, n’a pas été retenu pour cette fonction.
Cette décision a surpris certains observateurs, au regard du positionnement panafricaniste et de la popularité croissante du jeune président sénégalais sur la scène africaine. Toutefois, plusieurs éléments peuvent expliquer ce choix diplomatique.
D’abord, la CEDEAO fonctionne sur un principe d’alternance géopolitique équilibrée entre les différentes régions et blocs linguistiques (anglophones, francophones et lusophones). Or, le poste de président en exercice est souvent attribué en respectant des équilibres géostratégiques et diplomatiques tacites. Le Sénégal ayant occupé ce poste par le passé, certains États membres ont préféré un candidat issu d’une autre zone, estimant qu’il était encore trop tôt pour que Dakar reprenne le flambeau.
Ensuite, la position de rupture affichée par le président Diomaye Faye vis-à-vis de certaines pratiques de la CEDEAO (notamment sur les sanctions, les relations avec les régimes de transition, ou encore l’intégration économique) a pu susciter des réticences au sein de certains cercles dirigeants, plus favorables à une ligne plus classique. L’éventuelle volonté du Sénégal de réformer en profondeur l’organisation a pu apparaître comme une menace pour le statu quo institutionnel.
Par ailleurs, l’instabilité actuelle dans la région — marquée par les tensions entre la CEDEAO et les pays de l’AES (Mali, Burkina Faso, Niger) — a sans doute pesé dans le choix d’un profil plus conciliant ou moins clivant pour diriger l’institution dans une phase aussi critique. Le leadership fort mais jugé parfois trop directif de Diomaye Faye aurait été perçu comme inadapté dans ce contexte fragile.
Enfin, il ne faut pas exclure des considérations de poids diplomatique et d’alliances bilatérales, où certains pays, bénéficiant d’un appui plus structuré de la part de puissances extérieures ou de lobbys régionaux, réussissent mieux à faire valoir leur candidat.
Pour autant, le Sénégal reste un pilier incontournable de la CEDEAO, et son président conserve une influence grandissante sur les dossiers sensibles, notamment la sécurité, la jeunesse, la migration et la souveraineté économique. Son exclusion temporaire de la présidence n’est donc pas un revers politique, mais davantage un jeu de temporisation diplomatique dans une organisation en quête d’équilibre et de stabilité.