L’affaire avait suscité une vive polémique. C’était avant que les saisies de drogue dure ne deviennent si courantes qu’elles semblent presque banales de nos jours. En juin 2019, les douaniers ont annoncé la saisie de 238 kg de cocaïne au Port de Dakar. Les douaniers ont découvert la drogue, dissimulée dans des sacs placés dans des voitures neuves de marque Renault, à bord d’un navire en provenance du Brésil et en route vers l’Angola.
Une autre affaire est venue s’ajouter à celle-ci : 74 kg de cocaïne ne figuraient pas dans le décompte officiel. Des sources crédibles de l’époque ont signalé le vol de la cocaïne. L’enquête a ensuite découvert que la drogue « disparue » était cachée dans un véhicule importé de Belgique et l’a retrouvée plus tard au Port.
Le doyen des juges de l’époque, feu Samba Sall, a incarcéré des ressortissants allemands, italiens et sénégalais dans le cadre de l’enquête. Les autorités ont rapidement libéré les Européens impliqués, qui ont ensuite quitté précipitamment le Sénégal, tandis qu’elles ont maintenu les Sénégalais en détention.
De Samba Sall à Maham Diallo
Pour diverses raisons, la détention préventive des accusés a duré une éternité. Le procureur de la République de l’époque, Bassirou Gueye, a demandé à Samba Sall, qui avait clôturé l’enquête, de procéder à de nouveaux actes d’instruction. Avant et après ce réquisitoire supplétif, les autorités ont systématiquement rejeté les demandes de liberté provisoire des accusés. La situation s’est encore compliquée avec le décès de Samba Sall en cours d’instruction.
Nommé doyen des juges, Maham Diallo a repris le dossier huit mois plus tard.Il a renvoyé certains accusés devant la chambre criminelle et prononcé un non-lieu pour d’autres, clôturant ainsi l’affaire. Les autorités ont vu en Ibrahima Thiam, alias « Toubey », le cerveau de l’affaire, mais elles l’ont finalement acquitté en janvier dernier après quatre ans et cinq mois de détention.
« Toubey » ne compte pas en rester là. Il a décidé de dénoncer les « mensonges » et les « injustices » liés à cette affaire.
Appel aux nouvelles autorités
« Pendant toutes ces années, chaque jour, je réfléchissais à ce qui s’est passé. À toutes ces autorités et le rôle qu’elles ont joué dans cette affaire, » a-t-il confié. Dans un entretien accordé à Les Échos (ce vendredi 16 août), il déclare avoir été « sacrifié » dans cette affaire et suggère que des personnalités influentes y ont joué un rôle.
« Toubey » a également évoqué la responsabilité présumée de certaines autorités politiques, qu’il accuse de ne pas être claires dans cette affaire, notamment le frère d’une haute personnalité de l’ancien régime. « J’ai même quelques éléments de preuves, dont un SMS qu’il m’a envoyé, » a-t-il ajouté sans plus de détails, précisant qu’il pensait que ce « frère de… » était son ami, mais qu’en réalité, ce dernier « voulait protéger d’autres personnalités, en particulier des autorités douanières. »
Ibrahima Thiam espère que « les nouvelles autorités, ces nouveaux juges et procureurs en qui [il a] confiance, ainsi que ces nouvelles autorités de la police et de la gendarmerie, examineront à nouveau ces dossiers. » En attendant, il souhaite obtenir le jugement qui l’a acquitté, rendu il y a sept mois, et récupérer ses biens, dont sa Volvo, toujours confisqués malgré son acquittement.