Les années scolaires 1988 et 1994 au Sénégal ont été marquées par des perturbations majeures, respectivement décrétées « blanches » et « invalidées ». Ces crises, issues de tensions politiques et de mouvements de grève estudiantine, ont profondément affecté le pays. Talla Sylla et Mohamadou Diop, alias « Castro », reviennent sur ces événements et leurs conséquences.
L’année 1988, marquée par des élections, a vu des bouleversements significatifs au Sénégal, notamment avec l’arrestation de figures politiques de premier plan. Ce contexte de tensions a déclenché une série de grèves parmi les élèves, revendiquant l’annulation de sanctions contre certains de leurs camarades.
« La grève n’a pas commencé à l’Université », explique Talla Sylla. « Les étudiants, ne souhaitant pas initialement faire grève, ont simplement manifesté leur soutien moral. Cependant, une décision de fermeture de toutes les écoles et universités a été prise. » En réponse, les étudiants se sont barricadés, mais les forces de l’ordre ont fait irruption à l’aube, entraînant des violences et des humiliations. « Des étudiants ont été bastonnés, torturés, humiliés. Certains étudiants marocains ont été tirés de force de leur douche et maltraités », raconte Talla Sylla.
Ces événements ont incité les étudiants à rejoindre les élèves dans un mouvement de contestation plus vaste, exigeant la levée de l’état d’urgence, la libération des chefs politiques et la restitution des libertés au peuple. « Nous n’étions plus dans un État de droit, mais un État d’exception », déclarent Talla et Castro. Le manque de transparence, de dialogue et de stabilité a porté un coup sévère à la démocratie sénégalaise.
Les étudiants ont exigé une rencontre avec le Président de la République. D’abord, le ministre d’État chargé des affaires de la Présidence, M. Ousmane Tanor Dieng, fut désigné pour les recevoir, mais les étudiants ont insisté sur une rencontre directe avec le Président. Ce dernier a finalement accepté de les recevoir, leur demandant s’ils lui faisaient confiance. La réponse des étudiants fut claire : « Nous voulons simplement qu’une solution durable soit trouvée à ce problème. »
Mohamadou Diop, alias « Castro », explique que l’année blanche a été décrétée unilatéralement par le gouvernement suite aux agitations post-électorales. Les véritables origines de cette année blanche étaient profondément politiques. Des conflits internes au sein du pouvoir ont exacerbé la situation, notamment entre Iba Der Thiam et Jean Collin.
L’année invalidée de 1994 fut une conséquence directe des perturbations de 1988, rendant le travail à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) extrêmement difficile. Les répercussions de ces années blanches et invalidées ont été ressenties non seulement par les étudiants et les élèves, mais aussi par l’ensemble du pays, avec des investissements perdus et des ressources publiques gaspillées.
Talla Sylla conclut avec une pensée particulière pour ses compagnons de lutte disparus. Mohamadou Diop, quant à lui, appelle à la culture de la démocratie et à l’éducation citoyenne pour éviter que de telles crises ne se reproduisent.
