Le débat sur la gestion de la dette publique s’intensifie. Alors que le Premier ministre Ousmane Sonko a révélé que le Fonds monétaire international (FMI) a proposé une restructuration de la dette du Sénégal, estimée à 132 % du PIB, il a rejeté cette option, craignant qu’elle ne soit perçue comme un signe de faillite.
Mais selon l’économiste Moubarack Lô, une telle position comporte plus de risques que d’avantages.
Trois options face à la dette
Pour Moubarack Lô, le gouvernement dispose de trois voies possibles :
« La première serait de refuser de payer une partie de la dette, mais c’est irréaliste. La seconde, plus crédible, consiste à négocier un allègement ou un étalement. Enfin, la troisième — celle que le gouvernement semble privilégier — serait de rembourser intégralement la dette », explique-t-il.
L’ancien haut fonctionnaire souligne que chaque option a ses avantages et ses limites, mais qu’à ses yeux, la renégociation reste la plus pragmatique.
« On n’est plus très endettés, on est super endettés »
L’économiste appelle à un réalisme économique, loin des considérations politiques.
« Si on m’avait demandé mon avis, j’aurais encouragé une restructuration. Surtout pour une dette que vous n’avez pas contractée et dont la charge freine la croissance », soutient-il.
Il rappelle que le Sénégal avait déjà bénéficié, dans les années 2000, d’un allègement de dette qui avait permis de ramener le ratio dette/PIB de 46 % à 22 %.
« Aujourd’hui, nous sommes à 132 %. On n’est plus très endettés, on est super endettés », alerte-t-il.
Un risque d’asphyxie budgétaire
Pour Moubarack Lô, continuer à rembourser sans renégociation pourrait asphyxier l’économie nationale.
« Rien ne justifie qu’on puisse mobiliser chaque année 5 000 à 6 000 milliards pour le service de la dette. C’est intenable », avertit-il.
Selon lui, l’objectif doit être de ramener le service de la dette à un niveau soutenable, compatible avec les ambitions du gouvernement en matière de relance et d’investissements productifs.
« Restructurer, mais aussi réformer »
L’économiste plaide pour une approche combinée : restructuration de la dette et réformes internes fortes.
« Il faut accompagner la renégociation par une rationalisation des dépenses et une mobilisation accrue des ressources. Le FMI accompagne, il ne dicte pas. C’est à l’État de définir sa trajectoire », souligne-t-il.
Il invite également à relancer les réformes structurelles pour bâtir une économie compétitive :
« On ne sent pas encore le momentum des réformes nécessaires pour accélérer la croissance. »
Urgence d’un accord avec le FMI
Enfin, Moubarack Lô alerte sur les conséquences d’un retard dans les discussions avec le FMI.
« Chaque jour sans programme coûte au Sénégal. Cela détériore notre image auprès des investisseurs et complique la reprise. Il faut agir vite », conclut-il.
