Comme de tradition au Sénégal, les électeurs ont prolongé l’élan de la présidentielle de mars, quand la soif de changement après trois ans de crise économique et de confrontation politique, et l’aspiration à une autre gouvernance confiée à une nouvelle génération, ont consacré le duo Bassirou Diomaye Faye – Ousmane Sonko. Le placide Faye, élu président bien que dénué de toute expérience exécutive, a nommé Premier ministre le bouillant Sonko, président du Pastef, qui aurait été à sa place si sa candidature n’avait été invalidée. Les analystes mettent la « razzia » des législatives au crédit de M. Sonko, qui aurait désormais les coudées franches pour commencer à mettre en œuvre son projet. Pendant huit mois, la paire Faye-Sonko a mené une cohabitation conflictuelle avec une Assemblée dominée par l’ancienne majorité Benno Bokk Yaakaar.
M. Faye l’a dissoute dès que les délais constitutionnels l’ont permis, en septembre, provoquant les législatives anticipées de dimanche. « Sénégal Moy Sonko » , écrit le journal Le Quotidien, pourtant critique du pouvoir, détournant le slogan avec lequel le Pastef a convaincu les électeurs à la présidentielle que voter pour Bassirou Diomaye Faye, c’était comme voter pour M. Sonko.
« Tout le monde attend »
La coalition Takku Wallu Sénégal de l’ancien président Macky Sall ne décrocherait que 15 mandats de députés, selon les projections des mêmes médias. L’opposition a fait campagne en reprenant à son compte le grief formulé par un certain nombre de Sénégalais selon lequel, pendant huit mois, M. Sonko a beaucoup parlé et peu agi. L’intéressé s’en défend en arguant de l’état dans lequel lui et M. Faye ont trouvé le pays, et des multiples résistances à son ambition de changer les pratiques et le système. M. Sonko est jusqu’à maintenant resté silencieux.
« »Le peuple sénégalais nous a accordé un vote de confiance sans équivoque. » Il ne nous reste plus qu’à nous retrousser les manches pour transformer notre pays en profondeur et le sortir définitivement de la pauvreté », a écrit sur les réseaux sociaux l’ancienne Première ministre Aminata Touré, haute représentante du président. Les analystes s’accordent sur le fait que M. Sonko est maître du jeu. Davantage encore qu’auparavant, « c’est Ousmane Sonko qui va continuer à dicter la façon de diriger le pays », plus que le chef de l’Etat lui-même dans un système pourtant considéré comme hyper présidentialiste, dit l’enseignant chercheur El Hadji Mamadou Mbaye.
Le chef de l’Etat « n’a cette légitimité d’être président que grâce à Sonko », juge-t-il.