Une enquête de la Centif révèle des soupçons de blanchiment d’argent lié à des opérations d’importation de riz effectuées entre 2016 et 2017 au Sénégal. Trois entrepreneurs indiens, gérants de sociétés locales, sont cités dans une affaire portant sur plus de 40 milliards F CFA de transactions suspectes.
Des transactions opaques dans le commerce du riz
Entre 2016 et 2017, deux entreprises sénégalaises dirigées par des ressortissants indiens – Prime Suarl et Sénégal Alimentaire Négoce (San) Suarl – ont reçu près de 40 milliards F CFA dans leurs comptes bancaires. Ces mouvements financiers, jugés suspects par la Cellule nationale de traitement des informations financières (Centif), soulèvent des suspicions de blanchiment de capitaux issus de la fraude fiscale.
Les entreprises concernées évoluent dans le commerce alimentaire. Rachit Jain dirige Prime Suarl, succédant à Arun Kumar Jain, tandis que Sachdeva Neeraj, gérant et actionnaire unique, est à la tête de San Suarl. Ces deux entreprises opèrent dans le secteur du commerce alimentaire. Rachit Jain dirige Prime Suarl, succédant à Arun Kumar Jain, tandis que Sachdeva Neeraj, gérant et actionnaire unique, dirige San Suarl.
Des virements douteux et des justificatifs réutilisés
La Centif a mis en lumière plusieurs anomalies dans les virements internationaux reçus par ces sociétés. Exemple marquant : un virement de 180 920 dollars effectué en août 2016 en faveur de San Suarl, justifié par un contrat de prêt déjà utilisé précédemment pour un autre transfert de 190 000 euros.
Certaines banques partenaires ont d’ailleurs refusé d’exécuter des virements, évoquant des manquements en matière de conformité. C’est le cas d’un transfert de 1,37 million de dollars, envoyé par la société Terra Firma Commodities, basée à Dubaï, vers Prime Suarl.
Un réseau international difficile à démêler
Pour mieux cerner les activités de Rachit Jain, la Centif a sollicité ses homologues en Côte d’Ivoire et en Turquie, pays d’où l’homme d’affaires aurait effectué plusieurs voyages vers le Sénégal en compagnie de Pankay Kumar Jain. Ces demandes sont restées sans suite.
Les autorités indiennes et les Émirats arabes unis, également sollicitées, n’ont pas répondu aux requêtes sénégalaises. Toutefois, des codes Swift ont permis de confirmer que Terra Firma Commodities, à l’origine des virements litigieux, est bien enregistrée à Dubaï.
Fisc et Douanes : un faisceau d’irrégularités
C’est à travers des enquêtes locales que la Centif a pu tracer des transferts de fonds vers des sociétés indiennes pour un total d’environ 700 millions F CFA. Ces transferts ont eu lieu entre juin 2016 et février 2017.
Côté fiscal, les deux sociétés étaient bel et bien immatriculées au Sénégal. Mais selon la Direction générale des impôts et domaines (DGID), elles ne déposaient aucune déclaration fiscale et leurs comptes étaient fermés, malgré leurs activités commerciales jugées « substantielles ».
La Douane confirme quant à elle que Prime Suarl a importé près de 5 000 tonnes de riz d’Inde en 2016, pour une valeur de 613,5 millions F CFA. San Suarl, de son côté, a importé environ 19 000 tonnes de riz d’Inde et du Paraguay entre 2016 et 2019, pour un montant dépassant les 3 milliards F CFA.
Violation de la réglementation de change
L’affaire prend une autre dimension avec des soupçons de violation de la réglementation des changes, notamment en matière de relations financières extérieures.Plusieurs banques ont rejeté des transferts en raison de non-conformités internes, ce qui renforce l’hypothèse d’un contournement des circuits financiers réglementés.
À ce stade, les autorités compétentes n’ont engagé aucune procédure judiciaire officielle, même si la CENTIF signale « des indices graves et concordants de blanchiment de capitaux issus de la fraude fiscale ».Les implications internationales de l’affaire pourraient compliquer l’issue des investigations.