Dans son ouvrage Une Sociologue au cœur de la détention, Fatou Diop, docteure en sociologie, explore avec finesse les conditions de détention des femmes au Sénégal, leurs défis et les stigmates qui les poursuivent après leur incarcération. À travers une enquête immersive, elle met en lumière les obstacles structurels et sociaux auxquels ces femmes font face, tout en proposant des solutions pour une réinsertion durable. Entretien.

Les défis méthodologiques de la recherche en milieu carcéral

Mener des enquêtes en prison présente de nombreux défis. Une difficulté majeure réside dans les normes strictes et le règlement intérieur des établissements pénitentiaires sénégalais. Obtenir des données fiables sur la prison et la population carcérale relève souvent d’un véritable parcours du combattant, impliquant des négociations constantes avec l’administration.

La notion de temps constitue également un obstacle central. Gagner la confiance des femmes détenues a exigé une présence régulière et prolongée, rythmée par des allers-retours continus. La recherche sociologique offre néanmoins des outils pour faciliter cette immersion dans un univers aussi fermé que la prison.

Une immersion progressive auprès des femmes détenues

Pour faciliter l’intégration dans ce milieu, j’ai partagé le quotidien des détenues : participation à des séances d’animation, moments passés dans les chambres, la cour de promenade ou lors d’ateliers de sensibilisation. Cette proximité soutenue a permis de tisser des liens de complicité, transformant mon statut d’intruse en personne acceptée.

Femmes en détention : une double peine

Les femmes représentent une minorité invisible dans les prisons sénégalaises, ce qui contribue à les rendre oubliées du système carcéral. Moins revendicatives que les hommes, elles subissent pourtant des conditions de détention souvent précaires qui accentuent leur vulnérabilité.

Réinsertion : un parcours semé d’embûches

La réinsertion post-carcérale des femmes constitue un défi majeur. L’un des principaux obstacles réside dans la rupture des liens familiaux. Les longues peines impactent également leur horloge biologique, compliquant la maternité pour les célibataires et provoquant parfois des divorces chez les femmes mariées.

La stigmatisation, frein à la réintégration

Les stigmates commencent dès l’arrestation, se renforcent pendant la détention, et perdurent après la libération. Cette stigmatisation entrave fortement la réintégration familiale et l’accès à l’emploi, deux piliers essentiels pour éviter la récidive.



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