Comment faire pour rendre le système éducatif sénégalais meilleur ? A quelques jours de l’ouverture des classes, le Dr Amar Guèye, consultant manager en éducation et formation, a tenté de répondre à cette question. Dans un texte reçu à Sunu Jotaay, il a donné, de manière détaillée, sa vision pour améliorer en qualité le système éducatif. Voici l’intégralité de son texte. 

Ces derniers temps, les questions de réformes et d’innovations dans le système éducatif sénégalais ont envahi l’espace public, dans une volonté de rechercher davantage de qualité, d’équité et de performance. En tant qu’acteur du secteur et parent d’élèves, je m’y intéresse particulièrement, même si cela implique de soulever des points sensibles.

Après l’introduction de l’éducation bilingue, actuellement en phase de mise à l’échelle, on nous a annoncé l’arrivée de l’enseignement de l’anglais à l’élémentaire. Plus récemment, le projet des lycées nation-armée pour la qualité et l’équité (LYNAQE) a été dévoilé, sans concertation large ni inclusive. Cela soulève des inquiétudes quant à l’adhésion des principaux concernés à ces initiatives, malgré leurs objectifs louables.

Par ailleurs, plusieurs cadres du ministère, tout aussi compétents, risquent de ne pas avoir l’opportunité d’exprimer leurs points de vue. Cette absence de dialogue rend difficile la réussite de ces réformes pourtant cruciales pour le système éducatif, qui en a grandement besoin pour se redresser.

L’éducation préscolaire, par exemple, pourrait tirer profit de la suppression du cours d’initiation (CI), réduisant ainsi la durée de la scolarité élémentaire de six à cinq ans, grâce à l’éducation bilingue. Au niveau élémentaire, il serait pertinent de revoir l’examen du CFEE et le concours d’entrée en sixième, devenus obsolètes depuis l’instauration de la loi sur l’obligation scolaire de dix ans.

Dans l’enseignement moyen et la formation professionnelle, il est crucial de promouvoir les sciences et la technologie, tout en renforçant la formation technique. Le Sénégal doit former davantage de scientifiques, techniciens et ingénieurs pour répondre aux défis actuels. De même, l’enseignement secondaire général et technique doit encourager les élèves à s’orienter vers les filières scientifiques, en offrant des incitations comme des bourses.

Je suis sceptique quant au projet des LYNAQE, qui risque de créer un système éducatif à deux vitesses. Recruter les meilleurs enseignants pour ces lycées d’élite appauvrira les autres établissements. Il est préférable de viser l’excellence dans tout le système, plutôt que dans quelques lycées seulement.

Enfin, dans l’enseignement supérieur, il est temps de repenser la généralisation des bourses et aides, pour alléger les charges sociales et réorienter les ressources vers l’académique. Quant aux questions transversales, elles nécessitent une attention particulière : améliorer l’environnement scolaire, éliminer les abris provisoires et régler les problèmes de transparence et de gestion des enseignants.

La refonte du système éducatif sénégalais est essentielle. Il est urgent de sortir des sentiers battus et de changer de paradigme en intégrant les langues nationales au cœur de l’éducation. Ces langues doivent devenir le pilier du système éducatif, tandis que les langues étrangères, y compris le français, ne devraient jouer qu’un rôle secondaire.

Pour réussir cette transformation, il faut une rupture décisive avec le modèle hérité de la colonisation, en mobilisant les ressources nécessaires pour financer notre propre éducation. C’est une question de souveraineté. Le gouvernement actuel a l’opportunité de remodeler le système éducatif pour qu’il réponde aux aspirations de la nation et prépare des citoyens armés pour conquérir le monde, comme le disait le Pr Cheikh Anta Diop.

En somme, il est essentiel de prendre le temps d’analyser et de planifier ces réformes en profondeur, afin de créer un système éducatif qui saura relever les défis de demain et redonner à l’école sénégalaise toute sa grandeur.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *