Deux chroniqueurs renommés en Tunisie, Borhen Bssais et Mourad Zeghidi, ont été condamnés mercredi à un an de prison chacun pour avoir critiqué le président Kais Saied. Poursuivis en vertu d’une loi sur les « fausses informations », ils ont reçu six mois de prison pour diffusion de « fausses nouvelles » et six mois supplémentaires pour « fausses déclarations dans le but de diffamer autrui », selon Mohamed Zitouna, porte-parole du tribunal de première instance de Tunis.
Lors de leur procès, les deux chroniqueurs ont invoqué la liberté d’expression, arguant qu’ils se contentaient d’analyser et de commenter l’actualité politique et socio-économique du pays. Interpellés le 11 mai pour des déclarations faites lors d’émissions à la radio et à la télévision, ainsi que pour des publications sur les réseaux sociaux, ils avaient critiqué le pouvoir du président Saied.
Les poursuites ont été engagées sous le décret-loi 54, promulgué en 2022 par le président Saied pour lutter contre la diffusion de « fausses nouvelles ». Cependant, ce décret est critiqué pour son interprétation large. Leurs avocats ont demandé un non-lieu, soulignant l’importance de la liberté d’expression dans leur travail.
M. Zeghidi a été poursuivi pour des déclarations de février 2024 et pour avoir soutenu un journaliste emprisonné, critique du président. Le président Saied, au pouvoir depuis 2019, s’était octroyé les pleins pouvoirs lors d’un coup de force à l’été 2021. M. Zeghidi a déclaré qu’il alternait entre soutien et critique du président, en fonction des actions de ce dernier.
L’avocat de M. Zeghidi, Kamel Massoud, a dénoncé l’ingérence de la politique dans la justice, appelant à l’indépendance des tribunaux. Borhane Bssais a été condamné pour « atteinte au président » par le biais de déclarations sur internet et lors d’émissions radio entre 2019 et 2022. Il a défendu son rôle de présentateur, devant offrir une plateforme à toutes les opinions.
Les arrestations de Bssais et Zeghidi coïncident avec celles de l’avocate et chroniqueuse Sonia Dahmani, ainsi que de l’avocat Mehdi Zagrouba, également poursuivis en vertu du décret 54. Ces événements s’inscrivent dans un contexte de répression croissante, dénoncée par Human Rights Watch comme une tentative de museler la liberté d’expression et de réprimer les dissidents et les migrants.
L’Union européenne, la France et les États-Unis ont exprimé leurs inquiétudes quant au respect des droits et libertés en Tunisie, berceau du Printemps arabe de 2011.