Les Sénégalais élisent leurs députés aujourd’hui, dimanche 17 novembre 2024, huit mois après avoir opté pour un changement radical lors de la présidentielle. Quels sont les enjeux ?
Tout d’abord, les 7,3 millions d’inscrits ont l’opportunité de confirmer ou d’infirmer leur choix de mars en accordant une majorité parlementaire au président Bassirou Diomaye Faye et à son Premier ministre Ousmane Sonko. En effet, la cohabitation forcée avec une majorité parlementaire hostile a montré, durant plusieurs mois, que sans le soutien du législatif, l’exécutif aurait eu du mal à tenir ses promesses de transformation de l’État, d’instauration de la justice sociale, de lutte contre la corruption et de rétablissement de l’indépendance d’un pays dont les partenariats politiques et économiques sont perçus comme ayant été trop influencés par des intérêts étrangers.
Par conséquent, en septembre, dès qu’il en a eu la possibilité, le président a dissous l’Assemblée nationale pour tenter de reprendre le contrôle. Toutefois, l’ampleur de la victoire est également en jeu. L’exécutif a besoin d’une majorité des trois cinquièmes des sièges pour réviser la Constitution sans passer par un référendum, notamment pour la mise en accusation de l’ancien président Macky Sall.
Cependant, l’opposition met en garde contre les dangers d’un pouvoir hégémonique, qu’ils jugent potentiellement extrémiste ou incompétent. « Nous faisons face à un système qui n’est pas encore mort », a d’ailleurs déclaré Ousmane Sonko lors d’un meeting mercredi soir, soulignant ainsi la fragilité de la situation actuelle.
Qui va gagner ?
Historiquement, les Sénégalais tendent à confirmer leur vote de la présidentielle lors des élections législatives, comme le rappellent plusieurs analystes. Ainsi, selon El Hadji Mamadou Mbaye, les législatives devraient se résumer à un choix pour ou contre Ousmane Sonko, à l’image du scrutin présidentiel, qui était, quant à lui, un choix pour ou contre Macky Sall. Bien que Sonko profite encore de sa popularité acquise lors de la présidentielle, les électeurs comprennent qu’il est nécessaire de lui donner une majorité pour qu’il puisse mettre en œuvre ses politiques publiques. Toutefois, l’opposition, bien que dispersée, a réussi à se rassembler en coalitions, comme l’indique Maurice Soudieck Dione, professeur de science politique.
En dépit de cela, l’opposition critique le manque d’action concrète d’Ousmane Sonko en huit mois. Le pays fait face à des défis économiques majeurs, notamment un chômage supérieur à 20%, une vie chère, et la poursuite des migrations illégales en pirogues vers l’Europe. De plus, les finances publiques sont dans le rouge, et le Fonds Monétaire International a suspendu un programme d’aide. Plusieurs projets sont bloqués, et le secteur privé attend toujours le règlement des créances de l’État. Ainsi, un avertissement des électeurs à l’égard du gouvernement pourrait se profiler, selon Maurice Dione.
Qui sont les protagonistes ?
Plusieurs figures politiques majeures se disputent le pouvoir à travers ces élections législatives :
- Ousmane Sonko, Premier ministre et tête de liste du Pastef, est l’un des protagonistes principaux. Bien qu’il ait été privé de la présidence en raison de l’invalidation de sa candidature, Sonko reste un acteur clé de la politique sénégalaise, souvent perçu comme un vice-président en puissance dans le système présidentiel très centralisé du pays. Il a aussi joué un rôle clé dans l’élection de Bassirou Diomaye Faye, son poulain.
- Macky Sall, l’ancien président, bien qu’ayant quitté le pouvoir en avril 2024, continue d’exercer une influence considérable. Son rôle dans la campagne, même s’il se fait à distance, reste significatif, surtout après son arrivée à la tête de la coalition Takku Wallu Sénégal. Il pourrait avoir un retour en force, surtout si ses successeurs cherchent à le mettre en accusation.
- Amadou Ba, ancien Premier ministre de Sall et dauphin désigné avant d’être battu au premier tour de la présidentielle, est désormais à la tête de la coalition Jamm Ak Njariñ. Son éloignement de son ancien mentor et son parcours compliqué dans cette campagne renforcent encore l’incertitude politique.
- Barthélémy Dias, maire de Dakar, ancien allié d’Ousmane Sonko, devenu l’un de ses plus féroces opposants. Tête de liste de la coalition Samm Sa Kaddu, il s’est illustré par ses échanges houleux avec Sonko et son tempérament tranché. Anciennement condamné à une peine de prison, il revendique un permis de port d’arme et a continué à agiter la campagne électorale avec ses positions radicales.
Comment vote-t-on ?
Les Sénégalais éliront 165 députés pour un mandat de cinq ans. Parmi eux, 112 députés seront élus au scrutin majoritaire à un tour, répartis entre les départements et les Sénégalais de l’étranger (pour 15 sièges). Les 53 autres sièges seront pourvus par le scrutin proportionnel sur une liste nationale.
Les électeurs auront le choix entre 41 listes électorales, toutes devant respecter la parité hommes-femmes, bien que aucune femme ne figure à la tête des listes. Les bureaux de vote ouvriront à 8h00 et fermeront à 18h00, sauf en cas de circonstances exceptionnelles.
En définitive, les projections sur la composition de la nouvelle Assemblée pourraient être disponibles dès lundi matin, offrant un premier aperçu de l’équilibre politique du pays.