Les récentes sorties médiatiques du Président Bassirou Diomaye Faye, ponctuées d’allusions appuyées à son Premier ministre Ousmane Sonko, continuent de nourrir le débat politique au Sénégal. Interrogé par Sud Quotidien, Dr Momar Thiam, expert en communication politique, décrypte une stratégie discursive qu’il juge tout sauf anodine dans le contexte actuel du pouvoir.
Depuis quelques semaines, chaque prise de parole du Président Bassirou Diomaye Faye est scrutée avec une attention particulière. La séquence la plus commentée reste sans doute celle au cours de laquelle, s’adressant aux pupilles de la Nation, le Chef de l’État a évoqué la succession présidentielle en ces termes : « demain, ce sera peut-être le Premier ministre ». Une phrase apparemment simple, mais lourdement chargée de sens politique.
Pour Dr Momar Thiam, directeur de l’École des hautes études en information et communication (HEIC), cette déclaration relève d’une construction soigneusement pensée. « Ce n’est pas une parole jetée au hasard », analyse-t-il. En citant explicitement Ousmane Sonko, et non une figure abstraite ou institutionnelle, le Président Diomaye valide implicitement l’idée d’une continuité politique incarnée par son Premier ministre. Une manière subtile de reconnaître des ambitions, sans jamais les dater clairement, laissant ainsi ouverte l’hypothèse de 2029 ou d’un horizon plus lointain.
Cette logique communicationnelle s’est prolongée lors de la Journée nationale de la diaspora. La complicité affichée entre les deux hommes, nourrie de souvenirs de campagne et ponctuée d’une pointe d’humour saluée par des observateurs comme Alioune Tine, n’a pas échappé aux analystes. Dr Momar Thiam y voit les « contours souterrains d’un discours » : un message codé adressé à la base militante, visant à rassurer et à apaiser. « Le signal est clair : après moi, c’est lui », résume l’expert.
Cette posture place le Président dans un rôle particulier : celui d’un arbitre au-dessus de la mêlée, maîtrisant le tempo politique tout en cultivant une part de mystère. Une attitude que Dr Thiam rapproche de la « force tranquille » de François Mitterrand, où l’autorité se manifeste davantage par la suggestion que par l’affirmation frontale.
Reste toutefois une inconnue majeure : la réception de cette communication par les militants et sympathisants de Pastef. Dans un contexte où des rumeurs de divergences internes surgissent régulièrement, cette stratégie pourrait contribuer à décrisper le climat. Mais elle s’inscrit aussi dans une dynamique de marquage politique, alors que le Premier ministre affiche clairement ses ambitions de mobilisation et d’occupation du terrain.
À l’heure où le Président Diomaye Faye entame ses tournées économiques, l’efficacité réelle de ces messages implicites dépendra largement de leur interprétation par la base. Entre apaisement stratégique et repositionnement des rôles, la parole présidentielle semble désormais participer pleinement à la recomposition du paysage politique sénégalais.
