Première mondiale à Venise. Dès jeudi 25 avril, les touristes à la journée devront s’acquitter d’une taxe de cinq euros pour visiter la ville historique du nord-est de l’Italie. L’initiative de la mairie de la cité des Doges est destinée à endiguer le tourisme de masse et les visiteurs de passage qui engorgent la ville, l’une des plus visitées du monde. Mais ses résidents sont vent debout car ils craignent que la ville devienne définitivement un « musée ».
À peine arrivé à la gare ferroviaire de Santa Lucia, principal point d’entrée dans la ville, ce jeune touriste autrichien est surpris de payer cinq euros pour passer la journée à Venise : « On me fait payer une taxe de cinq euros, parce que je ne dors pas à Venise ? C’est de la folie ! », s’agace-t-il face à notre envoyé spécial à Venise, José Marinho.
Cette nouvelle taxe cible uniquement les visiteurs d’un jour, par exemple les passagers des ferries de croisière, comme cette Anglaise : « Cinq euros de taxe, ce n’est pas beaucoup d’argent, pour moi en tout cas. Je suis riche et, en plus, cela peut aider à résoudre les problèmes d’écologie liés au surtourisme dans cette ville que j’adore. »
Pour cette première mondiale, la ville classée au patrimoine de l’Unesco a vendu quelque 13 000 billets, a indiqué la mairie en fin de matinée. Elle a précisé que ce chiffre est « en constante évolution », et ce d’autant qu’aucun plafond n’a été fixé au nombre de tickets disponibles.
QR code pour entrer dans Venise
Ces billets, qui se présentent sous forme de QR codes vendus en ligne ou sur place, doivent être présentés à des contrôleurs. Ces derniers sont postés notamment sur le parvis de la gare, principal accès à la Cité des Doges, où la situation était fluide jeudi, jour férié en Italie.
Seule solution pour échapper à cette mesure : dormir à Venise. Pour cette gérante d’hôtel, c’est une bonne piste pour endiguer le surtourisme : « Il y a beaucoup de monde qui vient à Venise seulement pour regarder, qui ne dorment pas », dit-elle en français.
De son côté, Francesca, directrice d’un restaurant haut de gamme dans le centre historique, est contre : « Je ne suis pas d’accord avec cette taxe. On ne peut pas priver les touristes de passage de visiter gratuitement Venise. La municipalité est la seule responsable du surpeuplement dans le centre historique. Si elle ne voulait pas en arriver là, il ne fallait pas développer le tourisme de masse. Mais la situation reste problématique. »
En contraignant les touristes à la journée à payer cinq euros pour baguenauder le long de ses célèbres canaux, Venise espère dissuader certains d’entre eux de venir les jours de grande affluence. La taxe s’applique tous les week-ends de mai à juillet.
De l’avis général, le montant de la taxe – cinq euros – n’est pas dissuasif et il servira, au moins, à remplir les caisses de la municipalité de Venise.
Première mondiale contre le tourisme de masse
Venise devient ainsi la première ville touristique au monde à imposer un droit d’entrée à l’instar d’un parc à thème. Dans le même sens, des mouvements hostiles au surtourisme se multiplient, notamment en Espagne, poussant les autorités à agir pour concilier le bien-être des habitants avec un secteur économique crucial.
Pour l’adjoint au Tourisme Simone Venturini, il s’agit « surtout de décourager le tourisme de proximité des habitants de la région Vénétie qui peuvent visiter Venise quand ils veulent ». Le maire Luigi Brugnaro a lui-même reconnu début avril qu’« il s’agit d’une expérimentation », qui sera sans aucun doute suivie de près par d’autres grandes villes touristiques à travers le monde.
Sa commune, l’une des plus visitées au monde, a déjà banni de son centre historique les navires de croisière géants, dont les nuées de passagers devront aussi montrer patte blanche. En pic de fréquentation, 100 000 touristes dorment à Venise, en plus de dizaines de milliers de visiteurs journaliers. À comparer aux quelque 50 000 habitants du centre-ville, qui ne cesse de se dépeupler.