Les bénéfices des sept principales banques occidentales encore présentes en Russie ont atteint trois milliards d’euros en 2023, triplant depuis l’entrée en force des armées de Vladimir Poutine dans le pays. Parmi celles-ci, les banques italiennes UniCredit et Intesa Sanpaolo, les allemandes Commerzbank et Deutsche Bank, la hongroise OTP, et surtout l’autrichienne Raiffeisen Bank, non seulement ne subissent pas les sanctions, mais profitent des difficultés des banques russes à accéder aux capitaux internationaux. Cette envolée des bénéfices, accompagnée des contributions exceptionnelles imposées par le Kremlin à certaines entreprises, a généré 800 millions d’euros de revenus supplémentaires pour l’État russe en 2023, soit quatre fois plus qu’en 2021.
La Raiffeisen Bank International (RBI) à elle seule représente la moitié de ces revenus fiscaux. Bien qu’étant la deuxième banque autrichienne, elle est la plus présente en Russie, au point que les autorités américaines ont ouvert une enquête l’année précédente. Malgré un communiqué datant de mars 2023 dans lequel elle s’engage à réduire ses activités en Russie, voire à se retirer complètement, la banque ne mentionne rien de tel sur son site destiné aux investisseurs. Au contraire, elle se vante d’être « une des plus fiables de Russie » et de compter deux millions de clients dans le pays début 2024, auxquels elle propose régulièrement de nouveaux produits et services.
Début avril, la Raiffeisen Bank publie 2 400 offres d’emploi en Russie, affirmant vouloir fortement élargir sa clientèle. Cependant, face à la controverse suscitée par les révélations du Financial Times, la banque retire rapidement ses annonces, arguant qu’elles utilisaient des « formules anciennes » ne reflétant pas ses véritables projets en Russie. Cette institution autrichienne est depuis longtemps sous le feu des critiques de Kiev, qui l’a incluse dans sa liste noire des entreprises occidentales collaborant avec Moscou.
Bien que symbolique et sans réelles conséquences, cette mise à l’index déplaît fortement à la direction de la banque et aux autorités autrichiennes. En décembre 2023, Vienne a conditionné sa signature à de nouvelles sanctions contre Moscou au retrait de la Raiffeisen Bank de cette liste infamante. Kiev a obtempéré, mais quelques semaines plus tard, la banque autrichienne a été réintégrée dans la liste noire des « soutiens à la guerre ». Finalement, sous la pression de la Chine, de l’Autriche et de la France, l’Ukraine a accepté de rendre cette liste confidentielle en mars 2024.
Cependant, cette affaire a semé le trouble et embarrasse Bruxelles. La Banque centrale européenne a exhorté Raiffeisen Bank et le géant bancaire italien UniCredit à se retirer ou au moins à réduire leur présence en Russie. En l’absence de mesures, elle pourrait infliger des amendes aux banques concernées à l’avenir.