La vente du pétrole extrait du champ de Sangomar a généré des revenus considérables pour le Sénégal. Selon l’opérateur Woodside, cette exploitation a permis d’encaisser plus de 595 milliards de francs CFA. Cette annonce, publiée sur le site officiel de la société le lundi 17 février 2025, constitue une nouvelle encourageante pour les finances publiques du pays. Toutefois, certains experts estiment que ces chiffres doivent être analysés avec prudence.
Mbaye Hadj, formateur dans le domaine de l’énergie au sein d’une école locale, rappelle que ces revenus proviennent exclusivement de la vente de pétrole brut. Cette absence de transformation locale constitue, selon lui, une opportunité manquée. « La valorisation complète de la chaîne pétrolière passe par le raffinage sur place, ce qui aurait pu générer davantage de profits », explique-t-il. Cette situation soulève donc des interrogations sur l’efficacité de la stratégie mise en place pour exploiter au mieux cette ressource naturelle.
Une répartition des revenus qui suscite des débats
La part de l’État sénégalais dans les revenus issus de la vente de 12,9 millions de barils est également un sujet de discussion. Un spécialiste en Oil & Gas souligne que ces revenus ne se limitent pas aux profits tirés directement du pétrole (profit oil). Ils englobent également les impôts sur les revenus et d’autres taxes diverses.
Lors d’un atelier consacré à la loi de finances 2025, Abdoulaye Diouf Sarr, ancien ministre sous Macky Sall, a présenté un document révélant que le projet de loi de finances initiale (LFI 2025) prévoit environ 50 milliards de francs CFA de recettes fiscales et non fiscales issues du secteur des hydrocarbures. Cette somme, jugée « relativement modeste » par un ingénieur en génie électrique, alimente le débat sur la gestion et la redistribution de cette richesse nationale.
Par ailleurs, la loi impose qu’au moins 10 % de la part de l’État soit allouée au Fonds Intergénérationnel (FIG). Ce fonds vise à préserver une partie des ressources pétrolières pour les générations futures. Toutefois, plusieurs experts s’interrogent sur la transparence et l’efficacité de ce mécanisme.
Un impact économique en demi-teinte
L’exploitation du champ de Sangomar, lancée en juin 2024, devrait théoriquement permettre une augmentation progressive des revenus étatiques en 2025. Selon les prévisions, les recettes issues des hydrocarbures pourraient atteindre 127 milliards en 2025, 205 milliards en 2026 et 243 milliards en 2027. Cette progression, documentée dans le rapport de Programmation budgétaire et économique pluriannuelle (DPBEP) 2025-2027, témoigne d’une montée en puissance progressive de cette ressource stratégique.
Malgré cet apport financier croissant, certains observateurs jugent l’impact économique encore limité. Woodside souligne que plus de 4 400 emplois ont été créés durant la phase de construction du projet. Cependant, selon Mbaye Hadj, ce nombre reste insuffisant par rapport au potentiel du secteur. « Un retard dans la mise en place d’une stratégie globale freine les opportunités de développement », déplore-t-il. Il met en avant l’importance de former des cadres spécialisés et de moderniser les infrastructures de raffinage.
Une transformation locale du brut aurait généré des effets bénéfiques en cascade. Selon lui, une production locale d’essence, de diesel et de carburant pour les pirogues ou les avions d’Air Sénégal aurait permis de dynamiser l’économie. De plus, elle aurait réduit la dépendance du pays aux importations d’énergie raffinée.
Une richesse sous-exploitée
En définitive, bien que les revenus issus de l’exploitation du pétrole de Sangomar apportent une manne financière non négligeable, leur impact réel demeure en deçà des attentes. L’absence de raffinage local et le manque de stratégie de valorisation des hydrocarbures constituent des freins majeurs. Ainsi, pour tirer pleinement profit de cette ressource, le Sénégal doit accélérer la modernisation de son industrie énergétique et renforcer sa capacité à transformer ses ressources sur place. Seule une gestion plus stratégique du secteur permettra d’en maximiser les retombées économiques et sociales.
