La candidature officielle de la Turquie pour rejoindre le groupe des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) soulève des inquiétudes au sein de l’OTAN, dont la Turquie est membre. Cet acte marque-t-il une rupture géopolitique avec l’Occident ou une manœuvre habile de Recep Tayyip Erdogan pour équilibrer ses alliances ? France 24 analyse cette dynamique.
Une Diplomatie de Multiples Alliances
Le 11 juin, alors que le président ukrainien Volodymyr Zelensky plaidait pour une aide militaire accrue à Berlin, le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan, était à Moscou pour une rencontre avec Vladimir Poutine. « Nous saluons l’intérêt de la Turquie pour les travaux des BRICS », a affirmé Poutine, soulignant le soutien russe à cette initiative.
Le Parti de la justice et du développement (AKP) de Recep Tayyip Erdogan a confirmé la demande d’adhésion turque cette semaine. « Notre président a exprimé à plusieurs reprises notre souhait de devenir membre des BRICS », a déclaré Omer Celik, porte-parole de l’AKP, ajoutant que le processus suit son cours.
Cette démarche est inédite, car jamais un pays membre de l’OTAN et candidat à l’UE n’avait envisagé de rejoindre les BRICS, un groupe souvent perçu comme un contrepoids à l’ordre occidental dirigé par les États-Unis.
Le Succès Croissant des BRICS
Longtemps considéré comme un forum d’échange sans objectif clair, les BRICS ont pourtant connu une expansion significative ces dernières années. Créé en 2009, le groupe a été rejoint par l’Afrique du Sud en 2010, et aujourd’hui, des pays comme l’Égypte, l’Éthiopie, l’Iran et les Émirats arabes unis font également partie du bloc.
Près de 20 autres nations, dont la Turquie, ont exprimé leur volonté de rejoindre cette coalition. Cette expansion rapide divise les membres fondateurs, la Russie et la Chine étant favorables à l’inclusion de nouveaux pays, tandis que le Brésil et l’Inde se montrent plus prudents.
En parallèle, la Nouvelle Banque de Développement (NDB), créée par les BRICS en 2015 pour concurrencer la Banque mondiale et le FMI, voit également son nombre de membres augmenter. L’Algérie, par exemple, a récemment été admise.
Diversification des Alliances pour la Turquie
Selon Asli Aydintasbas, chercheuse à l’Institut Brookings, la candidature de la Turquie aux BRICS ne signifie pas un désengagement de l’Occident, mais plutôt une volonté de diversifier ses partenariats. Les relations de la Turquie avec l’Union européenne sont en stagnation, notamment en raison de différends sur les droits humains. « La Turquie veut élargir ses alliances tout en restant dans l’OTAN », explique-t-elle.
Contradiction au sein de l’OTAN ?
Michel Duclos, ancien ambassadeur de France, estime que la démarche turque ne viole pas les règles de l’OTAN, mais elle est en contradiction avec l’esprit de confiance qui doit régner au sein de l’alliance. « Juridiquement, il n’y a pas de problème, mais cela pourrait affecter la cohésion de l’OTAN », explique-t-il.
L’Occident Perçoit une « Perte de Prestige »
Malgré son appartenance à l’OTAN et ses aspirations européennes, Erdogan entretient une relation complexe avec l’Occident, marquée par des désaccords notoires. Cette candidature aux BRICS reflète son ambition d’asseoir la Turquie en tant que puissance indépendante, prête à explorer de nouveaux horizons géopolitiques.
