À Paris, le 1er juillet, plusieurs ONG ont saisi le Pôle crimes contre l’humanité du Tribunal judiciaire pour déposer deux plaintes visant des soldats franco-israéliens accusés d’exécutions sommaires dans la bande de Gaza. Cette initiative marque un tournant potentiel dans la réponse judiciaire internationale aux violences en cours dans l’enclave palestinienne.

Deux tireurs d’élite dans le viseur

Les plaintes, déposées avec constitution de partie civile, visent Sasha A. et Gabriel B., deux membres de la « Ghost Unit » (ou Refaim), une unité d’élite israélienne chargée de « neutralisations ciblées ». Ces snipers appartiennent au 9e peloton du 202e bataillon parachutiste. Cette unité compte majoritairement des soldats bi-nationaux, dont plusieurs franco-israéliens.

Selon les ONG plaignantes, dont la FIDH, Al-Haq et la LDH, certains soldats sont impliqués dans de graves violations. Ils sont accusés d’atteintes volontaires à la vie dans la bande de Gaza.
Ces actes pourraient relever de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, voire d’un génocide.

Une plainte fondée sur une enquête minutieuse

Les accusations s’appuient sur une enquête menée en octobre 2024 par le journaliste palestinien indépendant Younis Tirawi. Dans un documentaire de 38 minutes publié sur son compte X, il montre des images troublantes : des snipers israéliens abattent des civils, dont des enfants et des secouristes, près des hôpitaux al-Nasser et al-Quds à Khan Younès, entre novembre 2023 et mars 2024. Ils auraient visé certaines victimes à plus d’un kilomètre, dans des zones éloignées des combats.

Le reportage dévoile également l’organigramme de l’unité « Ghost », ainsi que le témoignage direct d’un sergent-chef américano-israélien, Daniel Raab. Ce dernier y explique les critères ambigus de ciblage des civils palestiniens, justifiant les tirs contre des hommes en âge de combattre, même non armés. Il reconnaît que son unité a tué « au moins 120 Palestiniens » en moins de cinq mois.

Des preuves croisées et des témoignages accablants

Les ONG affirment avoir recoupé les faits du reportage avec leurs propres éléments de preuve. « Nous avons recueilli des témoignages directs de victimes ou de proches tués par des snipers aux abords des hôpitaux, dans la période précisément documentée par le journaliste », confirme Alexis Deswaef, avocat et vice-président de la FIDH. « Cela renforce la solidité du dossier et le rend juridiquement exceptionnel. »

La justice française interpellée

En vertu de la loi française, le Pôle crimes contre l’humanité est compétent dès lors qu’un suspect ou une victime possède la nationalité française, ou si le suspect réside sur le territoire français. Environ 4 000 Français servent actuellement dans les rangs de l’armée israélienne, selon les estimations. La résolution onusienne du 18 septembre 2024, votée par la France, oblige par ailleurs Paris à prendre des mesures contre les militaires franco-israéliens engagés dans les territoires palestiniens occupés.

Une démarche pour briser l’impunité

Pour les ONG, il s’agit de créer un précédent. « Il n’y a pas d’exception israélienne. La justice doit avancer. L’impunité alimente les crimes suivants », insiste Me Deswaef. Une première condamnation pour crime de guerre ou crime contre l’humanité constituerait, selon lui, un signal fort. « Cela ne suffira pas à arrêter le génocide en cours, mais ce serait un pas décisif. Car la justice est lente, alors que l’urgence humanitaire est immédiate. Seule une pression politique forte, des sanctions concrètes et un cessez-le-feu peuvent stopper l’escalade. »

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